Le Portugal contraint de renoncer à vendre sa collection de Miró

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Le gouvernement portugais voulait renflouer les caisses de l’État en vendant 85 œuvres de Miró.

Face aux nombreux recours judiciaires, la maison Christie’s a annulé la vente in extremis mardi 4 février à Londres.

Il était moins une. Tous les acheteurs d’art avaient eu le temps d’admirer les œuvres de Miró exposées chez Christie’s à Londres. Coup de théâtre mardi en fin de journée : juste avant le lever de rideau sur la vente aux enchères de la collection exceptionnelle de 85 œuvres du célèbre peintre catalan, décédé en 1983, Christie’s annonce l’annulation de la vente.

Autorisée par la justice, annulée par Christie’s

« Nous avons la responsabilité à l’égard de nos clients de leur transmettre, sans problème aucun, les droits de propriété », a justifié la maison. Or la controverse sur la vente de la collection fait rage au Portugal.

Les députés socialistes, dans l’opposition, avaient déposé un recours en justice pour s’opposer à la vente des Miró, propriétés de l’État portugais. Le tribunal administratif de Lisbonne avait débouté les requérants mardi matin, autorisant la vente à se dérouler normalement.

Cependant, la polémique et la crainte que le dossier judiciaire ne soit pas clos ont fait faire marche arrière à Christie’s.

D’une banque au gouvernement portugais

L’État portugais est devenu propriétaire de cette collection lors qu’il a nationalisé, en 2008, la Banque portugaise de négoce (BPN), impliquée dans des affaires de fraude et blanchiment d’argent. Celle-ci avait acquis les Miró en vue, semble-t-il, de créer un musée. La BPN a ensuite été revendue à une banque angolaise, le Portugal se retrouvant alors propriétaire de la collection.

Le gouvernement de centre droit qui applique une stricte politique d’austérité, en échange d’un prêt de 78 milliards d’euros accordé en 2011 par les autorités européennes et le FMI, avait décidé de se délester de cette collection exceptionnelle qui couvre 70 ans de création de Miró, estimée à plus de 36 millions d’euros.

Opposition entre le gouvernement et les amoureux d’art

Des œuvres du peintre avaient atteint des sommes records lors de vente l’an dernier. « Le corps de ma brune » avait été cédé pour plus de vingt millions d’euros. « Ce n’est pas la priorité du Portugal de conserver une collection de cette importance d’un grand peintre espagnol du XXe siècle », avait fait valoir le secrétaire d’État à la culture Jorge Barreto Xavier.

C’était sans compter l’émotion qu’a suscitée une telle décision dans la société portugaise. Les députés socialistes ont fait valoir la valeur patrimoniale et artistique du peintre. L’association portugaise de muséologie a défendu cet « ensemble artistique générateur de richesse ».

L’attachement à l’art, même en crise

En France, une telle vente eut sans doute été impossible en raison de la règle des trois I : inaliénables, insaisissables et imprescriptibles. Mais cela se pratique occasionnellement dans d’autres pays.

« Il s’agit en général du cas par cas, un musée peut faire sortir une ou quelques œuvres, parce qu’il dispose d’exemples similaires, ou pour contraintes financières. Mais cela reste rare, les conservateurs sont formés pour collectionner », explique France Desmarais, directrice des programmes à l’Icom, le conseil international des musées.

« Une vente comme celle du Portugal est exceptionnelle à tous égards, poursuit-elle. Qu’une telle vente soulève un intérêt est intéressant. Cela montre l’attachement des populations pour les œuvres et la culture, même lorsqu’un pays connaît des situations difficiles ».

MARIE VERDIER

http://www.la-croix.com/Actualite/Europe/Le-Portugal-contraint-de-renoncer-a-vendre-sa-collection-de-Miro-2014-02-05-1101935miro

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